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  • Benjamin Cohen

Pourquoi la concurrence restera limitée dans l'assurance-vie

Les épargnants ont sans doute été nombreux à grimacer en découvrant en début d'année le rendement de leur contrat d'assurance-vie pour 2018.  Les rémunérations des fonds euros, les placements préférés des Français, se sont encore étiolées dans l'ensemble.  Déjà, en 2017, ils n'avaient rapporté que 1,8 % en moyenne. La potion est d'autant plus amère que les rendements de l'épargne ont été  grignotés l'an dernier par l'inflation.

Les 18 millions de détenteurs d'assurance-vie ne sont pas tous logés à la même enseigne. Les performances des contrats sont  très disparates et, pour certains, la tentation de changer d'assureur peut-être forte. Difficile pourtant de sauter le pas.  Sortir ses économies pour les placer sur un autre contrat revient à perdre ses avantages fiscaux.Autrement dit, l'un des principaux intérêts de l'assurance-vie.

Rien d'étonnant si l'idée de faciliter le transfert des contrats d'assurance-vie d'une compagnie à une autre sans conséquence fiscale a resurgi avec force dans le débat public ces derniers mois.

Pour les partisans d'une telle mesure, ce serait le meilleur moyen de forcer les assureurs à mieux rémunérer les économies de leurs clients. A leur grand dam, les députés ne sont pas allés aussi loin dans le cadre de la loi Pacte, qui vient d'être validée à l'Assemblée nationale en deuxième lecture. Les épargnants en mal de rendement auront bien une possibilité de transfert, mais ils devront se contenter de déplacer leurs avoirs entre contrats souscrits chez un même assureur. Ils pourront aussi les transférer vers un plan d'épargne retraite jusqu'au début de 2023.

A première vue, les élus se sont montrés prudents. Ces dernières années, le législateur n'a eu de cesse, au nom de la défense des consommateurs, de promouvoir davantage de concurrence dans les services financiers.  La mobilité des clients entre banques a été facilitée. Le jeu s'est aussi beaucoup ouvert dans l'assurance.

Depuis 2015, il est possible de changer de contrat auto ou habitation à sa guise après douze mois d'engagement. Les emprunteurs peuvent également faire jouer la concurrence tous les ans pour l'assurance de leur prêt immobilier. Et à partir de mercredi, les parlementaires vont se pencher sur  la résiliation à tout moment des assurances-santé, une mesure voulue par l'exécutif.


Les fintech montent au front

Cette logique d'ouverture en grand devrait s'étendre à l'assurance-vie, selon nombre de professionnels de l'investissement : conseillers en gestion de patrimoine, représentants de family offices, courtiers. Pour ces intermédiaires, ce serait l'occasion de faire valoir leurs services de conseil. Ils peuvent compter dans leur combat sur des  acteurs numériques, les fameuses fintech, qui tentent de se faire une place sur le marché de l'assurance-vie.

Côté clients cependant, les avis sont très partagés. Déplorant les faibles taux servis par l'assurance-vie,  l'association de défense des consommateurs CLCV est favorable au principe de la transférabilité des contrats entre assureurs.

En revanche, les associations d'épargnants réunies au sein de la Faider y voient « une fausse bonne idée ». Pour le président de la très influente Afer (Association française d'épargne et de retraite) aussi, les Français risqueraient d'y perdre beaucoup. Car c'est tout le modèle d'investissement des assureurs qui devrait être revu. S'ils devaient être confrontés au risque permanent de départ de leurs clients, ils ne pourraient plus gérer leurs placements de la même manière.


Les épargnants premiers perdants

Au lieu d'acheter des actifs censés rapporter plus de rendements à long terme, tels que les actions, ils devraient se tourner davantage vers des investissements plus liquides et moins rémunérateurs. Résultat : les taux servis aux clients baisseraient.

L'analyse est partagée par le gendarme des assurances en France. « Si la part des liquidités [des assureurs] devait augmenter de 5 % du total - ce n'est pas beaucoup -, le rendement de l'assurance-vie baisserait de 0,2 % », a insisté son président, François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France.

Les assureurs ne se disent pas autre chose. Certains craignent d'être déstabilisés par la défection d'une bonne part de leurs clients en cas de hausse des taux d'intérêt. La transférabilité totale serait aussi un retour en arrière. Les compagnies seraient en effet contraintes de détenir moins d'actions, alors que  Bruxelles va assouplir sa réglementation pour faciliter leurs investissements au capital des entreprises.


L'enjeu du financement de l'économie

L'argument a fait mouche auprès du gouvernement. Avec 1.700 milliards d'euros d'encours, l'assurance-vie est vue comme un pivot du financement de l'économie. « 1 % de contrats en actions en moins dans l'assurance-vie représenterait 14 milliards d'euros en moins pour le financement des entreprises », défend le ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire. Le financement des entreprises n'est pas le seul sujet de préoccupation de Bercy. Les fonds euros sont en effet pour une bonne part investis dans de la dette française.

Sur fond de mouvement des « gilets jaunes », l'exécutif est cependant sous pression pour donner des coups de pouce au pouvoir d'achat. Ce contexte n'est sans doute pas étranger à l'entre-deux proposé par la majorité. Celle-ci a ouvert la voie à une transférabilité partielle des contrats d'assurance-vie et aussi à une plus grande transparence sur leurs rendements. Ce dernier point constitue une avancée au vu des pratiques de communication de certaines compagnies. Reste à voir si le client y verra suffisamment clair pour faire jouer réellement la concurrence.

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